La théorie du followership fait évoluer la théorie du leadership afin d’inclure plus pleinement le rôle des suiveurs. La psychologie des suiveurs est plus compliquée et intéressante que celle du leadership.
Tout d’abord, la plupart des gens sont des suiveurs, il y a donc, en principe, plus de matière pour en parler.
Deuxièmement, il n’est pas évident de comprendre pourquoi les gens acceptent de se soumettre lorsque cela peut les mettre dans une situation en évolution désavantageuse.
Troisièmement, un individu n’a pas une seule dimension dans sa vie d’acteur économique et social, il en a de multiples. Nous sommes tous, tour à tour amenés à des actions de leader et de suiveur.
La métaphore pyramidale du leadership s’associe à l’allégorie de l’alpiniste dans la montagne où le leader serait au sommet et semblerait détenir une vue claire sur l’horizon. Mais, est-ce vraiment et toujours le cas ? Et, si la vision claire n’appartenait pas au leader mais aux suiveurs ? Qui serait alors le réel leader ?
Beaucoup de personnes dans les administrations publiques, dans les entreprises et dans les diverses organisations occupent des postes administratifs ou de gestion, avec un grand potentiel pour influencer les autres. Mais peu importe ce qui est écrit sur la carte de visite. Un responsable qui ne peut pas pleinement développer sa capacité d’inspirer et de favoriser le développement professionnel de ceux qui l’entourent a des difficultés à se faire admettre comme leader. Être leader implique de savoir se comporter comme un “suiveur” c’est-à-dire de savoir identifier, comprendre et émuler les traits de personnalités positifs des personnes composant son entourage.
Les styles de followership
La typologie du followership selon Robert Kelley
Robert Kelley utilise un modèle de followership à deux dimensions pour illustrer cinq types de suiveurs qui se distinguent sur un cadrant avec un axe mesurant la pensée critique du suiveur (dépendant ou indépendant) et un axe mesurant son niveau d’engagement (actif ou passif). La théorie des traits de personnalité s’est intéressée au followership comme elle le fît pour le leadership. Parmi ces théoriciens, Robert Kelley (1992) a établi cinq styles de suiveurs : aliénés, conformistes, pragmatiques, moutons ou exemplaires. Anita L. Blanchard, en 2009, en s’appuyant sur les travaux de Robert Kelley a démontré que la participation active est positivement associée à la satisfaction au travail et à l’engagement organisationnel. Par contre, la pensée critique indépendante est liée négativement à l’engagement organisationnel et à la motivation extrinsèque au travail.
Le cas du followership nocif Parmi la typologie effectuée par Robert Kelley, un ensemble de suiveurs peuvent apparaître comme nocifs (les suiveurs moutons, conformistes, aliénés, pragmatiques).
. Le suiveur mouton est passif et dépendant. Il manque d’initiative, et ne fera que ce qui est exigé de lui
· Le suiveur conformiste (Yes Man) est actif et dépendant. Il est prêt à travailler dur mais il regarde toujours vers le leader pour connaître la façon de remplir les tâches et comment procéder
· Le suiveur aliéné est passif et indépendant. Il formule souvent des opinions solides et il est capable de penser de façon critique, mais il résiste et ne participera pas plus que nécessaire
· Le suiveur pragmatique (que Robert Kelley appelle aussi “survivor” se situe au milieu de la route. Il fait ce qu’il doit faire pour s’en sortir et il atteint le niveau nécessaire « juste assez » pour faire plaisir au leader.
Les suiveurs nocifs peuvent contaminer, par contagion sociale, d’autres membres de l’équipe qui sont timides, paresseux, indifférents et peut-être pessimistes ou moralement faibles. Les suiveurs inefficaces sont souvent négativement critiques, cyniques et apathiques. Ils ne font que ce qui leur est demandé expressément. Plutôt que de déterminer ce qu’ils peuvent faire, les suiveurs inefficaces se concentrent sur ce qui pourrait mal se passer dans l’organisation et ce qui est hors de leur contrôle. Ils ont tendance à douter, et parce qu’ils s’attardent plus sur les problèmes plutôt que sur les solutions, ils voient le plus souvent leurs craintes se matérialiser.
Même si les suiveurs pragmatiques sont des travailleurs compétents, ils sont aussi des bureaucrates du système qui suivent les directives à la lettre ; pourtant ils pourraient avoir des idées précieuses pour les améliorer. Mais ils appliquent les méthodes qui fonctionnent sans s’interroger sur leur façon de faire ainsi. Cette stigmatisation du followership nocif doit être d’autant plus forte en l’absence d’un climat de confiance et d’une communication ouverte. C’est parce qu’il existe une telle situation que certains suiveurs ont quelquefois la propension, dans certaines situations, à être malhonnêtes. Il y a un potentiel pour tous les individus, leader ou suiveur, d’abuser du pouvoir lorsqu’ils en ont.
Compte tenu du fait que ce que les individus voient et entendent est déterminé fréquemment par leurs besoins, leur effort de détourner la propriété privée par des actes malhonnêtes ou des sabotages vient facilement dans une légitimation proclamée par une rhétorique plaintive ou agressive, syndicale ou politique, d’évocations d’injustice ressentie à leur égard. Aussi, les leaders de l’organisation qui “contraignent” les suiveurs à déclarer ce qu’ils veulent entendre n’obtiennent qu’une réponse déformée de la vérité. Ils créent des menteurs qui considèrent les décideurs plus menteurs qu’eux. Et c’est le début d’une crise de communication, voire d’un conflit social au sein de l’organisation. Afin d’éviter cela, les leaders de l’organisation doivent être ouverts à toutes les idées et à tout raisonnement, afin de permettre à tous les employés d’être à l’affût d’un comportement malhonnête et immoral de suiveurs nocifs sans qu’ils se laissent eux-mêmes contaminer.
Les suiveurs exemplaires
L’affirmation que les leaders doivent enseigner à leurs collaborateurs d’être de bons suiveurs est liée à la présentation de Robert Kelley (1992) que le followership exemplaire peut être enseigné. Pour développer les suiveurs exemplaires, les dirigeants doivent éduquer les acteurs de l’organisation à devenir des disciples en démontrant des qualités exemplaires de suiveurs.
Les 15 attributs suivants définissent les suiveurs exemplaires selon Kelley (1992) :
1. Penser par eux-mêmes
2. Concevoir leur emploi au-delà de la tâche de travail
3. Soutenir l’équipe et le leader
4. Se focaliser sur l’objectif
5. Faire un travail exceptionnel dans les activités au cours du chemin critique lié à l’objectif
6. Prendre l’initiative en augmentant leur valeur ajoutée pour l’organisation
7. Se rendre compte qu’ils ajoutent de la valeur en étant ce qu’ils sont, par leurs expériences et par leurs idéaux
8. Structurer leur travail quotidien
9. Voir clairement la façon dont leur travail est lié à l’entreprise
10. Se positionner personnellement sur le chemin critique qui mène à l’accomplissement de l’objectif
11. S’assurer que les tâches qu’ils accomplissent sont effectivement sur le chemin critique de l’objectif
12. Revoir leurs progrès quotidiennement ou de façon hebdomadaire
13. Augmenter leur champ d’activités sur le chemin critique de l’objectif
14. Développer une expertise supplémentaire
15. Devenir un champion de nouvelles idées